Lunettes et télescopes sont avant tout des
collecteurs de lumière qui vont reconstruire l´image d´une portion
du ciel dans leur plan focal. Revoyons quelques principes simples
d´optique.
Lunettes et télescopes sont des systèmes
optiques qui forment dans le plan focal, une image stigmatique d´un
objet situé à l´infini, donc d´une fraction du ciel.
Lunettes et télescopes donnent
une image de la sphère céleste qui a la courbure d´une sphère dans
le plan focal. A un angle donné sur le ciel va correspondre une
distance en millimètres sur l´image du plan focal, ce qui amène à
définir un paramètre fondamental de la lunette et du télescope :
l´échelle de l´image. La portion de sphère céleste dont
l´instrument donne l´image au foyer aura pour rayon la focale de cet
instrument. Ainsi un angle d´un radian aura pour image un arc de
cercle dont la longueur sera la focale de la lunette ou du
télescope.
Le deuxième paramètre
fondamental d´un instrument est son ouverture, c´est-à-dire le
diamètre du miroir du télescope (de l´objectif pour une lunette). On
lui associe l´ouverture du faisceau qui est égal au rapport f/D de
la focale sur le diamètre. Plus ce rapport est petit, plus la
lumière par unité de surface au foyer est grande et donc moins les
temps de pose seront longs.
Un autre paramètre important caractérisant un
instrument est le champ disponible en pleine lumière. Ce champ
est caractérisé en angle sur le ciel et en millimètres dans le plan
focal. Les instruments à grand champ ont été construits spécialement
pour cela.
Le dernier paramètre fondamental d´un instrument est
son pouvoir de résolution (ou résolution angulaire),
c´est-à-dire la taille angulaire du plus petit objet mesurable. Par
exemple, si deux points distants d´une seconde de degré sont les
points les plus proches vus par la lunette ou le télescope comme
deux points distincts dans le plan focal, alors le pouvoir de
séparation de l´instrument est d´une seconde de degré. Qu´est-ce qui
limite ce pouvoir ? Pour l´expliquer il faut faire appel au
phénomène de diffraction : l´ouverture de l´instrument (taille de
l´objectif ou du miroir) fait écran au faisceau infiniment large et
fait office de pupille d´entrée. Elle va diffracter le faisceau et
on va obtenir dans le plan focal une image différente de l´objet
dont elle provient. Pour un objet ponctuel situé à l´infini et une
pupille d´entrée circulaire, l´image aura la forme suivante
:
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Tache d´Airy, image d´une source
ponctuelle, apparaissant au foyer
d´un télescope |
Coupe de la tache d´Airy
dans le plan
focal | On
constate que pour augmenter le pouvoir de résolution d´un instrument
il suffit d´augmenter son diamètre. Un instrument de 30cm
d´ouverture a un pouvoir de résolution (grandeur e de la
figure ci-dessus) de 0,46 seconde de degré, un instrument de 1 mètre
: 0,14 seconde de degré et un instrument de 8 mètres : 0,017 seconde
de degré, pour une longueur d´onde de 0,55 micromètre (visible).
Cette résolution est cependant théorique car l´atmosphère la limite.
Son agitation étale la tache d´Airy. On caractérise cette agitation
par le "seeing" (turbulence) du ciel au moment de l´observation. Les
meilleurs sites d´observation situés en haute montagne n´atteignent
que 0,6 seconde de degré au mieux. Deux solutions sont possibles
pour augmenter malgré cela la résolution angulaire : l´optique
adaptative qui compense l´agitation atmosphérique ou le télescope
spatial observant en dehors de l´atmosphère
terrestre.
La lunette (ou réfracteur)
La lunette est l´instrument astronomique le plus
ancien : il comporte un objectif formant l´image dans le plan focal.
Cet objectif est formé de deux lentilles collées : une lentille
convergente et une lentille divergente de façon à optimiser, pour
une longueur d´onde définie, la concentration de lumière dans le
plan focal (une lentille unique forme des images pour chaque
longueur d´onde dans des plans focaux différents puisqu´on fait
appel à la réfraction des rayons lumineux dans le verre). Les
lunettes n´ont pas pu dépasser un diamètre d´un mètre pour des
raisons techniques. Dans le cas d´un réfracteur, la position du plan
focal par rapport à l´objectif dépend de la longueur d´onde de la
radiation considérée. Une deuxième lentille
-divergente- doit être accolée à la première pour limiter cet
effet.
Le télescope (ou réflecteur)
Le télescope est composé de miroirs et
fonctionne par réflexions : il n´a donc pas l´inconvénient des
lunettes et les images se forment toutes dans le même plan. On dit
qu´il est achromatique. Un miroir nécessite seulement le travail
d´une seule surface de verre alors qu´un objectif de lunette
nécessite le travail de quatre surfaces. Il existe principalement
deux types de montages optiques différents pour les télescopes pour
le miroir secondaire qui renvoie l´image et modifie la focale de
l´instrument.
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Télescope à montage Newton :
le miroir primaire parabolique concave focalise les
rayons lumineux au foyer de l´instrument, renvoyé en dehors du
tube du télescope, sur le côté, grâce à un miroir
plan. |
Télescope à montage Cassegrain :
l´objectif est constitué d´un miroir primaire
parabolique concave et d´un miroir secondaire hyperbolique
convexe. Il focalise les rayons lumineux au foyer de
l´instrument, situé derrière le miroir primaire perçé d´un
trou. | Les
lunettes, depuis une cinquantaine d´années ont été supplantées par
les télescopes. Les raisons de cette évolution sont multiples
: - d´abord l´achromaticité que nous avons abordée
ci-dessus; - ensuite, dans une lunette, la lumière
traverse le verre de la lentille alors que dans un télescope, le
verre, poli, ne sert que de support à une couche réfléchissante. Il
faut donc que le verre d´une lentille soit très homogène, ce qui est
très difficile à réaliser pour des lentilles d´un diamètre supérieur
à un mètre; - pour cette même raison que la lumière
traverse le verre de la lentille, certaines longueurs d´onde du
spectre sont arrêtées par le verre : une lunette est complètement
aveugle dans l´infrarouge; - enfin, on ne sait pas
fabriquer des lentilles dont la focale soit du même ordre de
grandeur que le diamètre. Les lunettes sont donc toujours des
instruments de visée de grande longueur. Or une lunette astronomique
doit pouvoir prendre, dans l´espace, des positions très diverses :
ainsi, les contraintes mécaniques sur un instrument de grande
longueur (flexions en particulier) interdisent un réglage précis et
permanent de l´instrument, sans cesse à revoir. Au contraire, les
télescopes, plus compacts, se déforment moins au cours d´une nuit
d´observation. De plus, on sait aujourd'hui construire des
télescopes dont les miroirs ont une focale voisine de leur diamètre.
Ce sont des télescopes très ouverts, ce qui veut dire, rapellons-le,
que le faisceau de lumière qui converge au foyer, a un angle
important. Plus cet angle est important, plus la quantité de lumière
reçue au foyer est élevée, donc plus faibles seront -à temps de pose
équivalent- les objets observables. Et en astronomie, voir des
objets faibles, signifie souvent voir loin...
La monture des télescopes et des
lunettes
Les télescopes et les lunettes sont en général
des instruments lourds qui doivent :
- pointer un objet céleste avec une précision
de la minute de degré;
- avoir une stabilité telle que les
déplacements incontrôlés du télescope ne doivent pas dépasser le
dixième de seconde de degré;
- suivre les objets célestes dans leur
mouvement diurne, c´est-à-dire compenser le mouvement apparent des
corps célestes dû à la rotation de la Terre autour de son
axe.
Pour pouvoir pointer un corps
céleste, le télescope doit avoir deux degrés de liberté, l´un autour
d´un axe parallèle à l´axe de rotation de la Terre et l´autre de
part et d´autre du plan équatorial perpendiculaire à cet axe. Ainsi,
le télescope pointera naturellement en angle horaire et en
déclinaison.
La stabilité du télescope viendra d´une
construction mécanique parfaite et d´un équilibrage parfait autour
des axes de rotation quelle que soit la position du
télescope.
Le suivi du mouvement apparent diurne des corps
célestes sera assuré par un mouvement de rotation autour de l´axe
nord-sud tel que le télescope effectuerait un tour complet en 23h
56m 4s (rotation sidérale de la Terre).
L´adoption de la monture équatoriale permet
d´assurer simplement ce suivi. Par contre, pour les très grands
télescopes modernes, la monture équatoriale ne peut assurer une
stabilité suffisante eu égard au poids de l´instrument. On adopte
alors la monture altazimutale (à l´instar des canons·) qui donne
comme degré de liberté du télescope une rotation autour de l´axe
vertical et une rotation au dessus du plan horizontal. Le suivi du
mouvement apparent diurne des corps célestes est assuré par un
ordinateur qui effectue en permanence la conversion de l´angle
horaire et de la déclinaison en azimut et en hauteur sur
l´horizon.
On trouvera en
fin de chapitre des exemples de lunettes et de télescopes.
Le télescope
spatial.
Examinons maintenant le cas très particulier du
télescope spatial dont le nom exact est Hubble Space Telescope (HST)
du nom du célèbre astronome américain qui le premier comprit que
l´univers est en expansion. Un télescope en orbite hors de
l´atmosphère est évidemment une bonne réponse à un certain nombre de
contraintes inhérentes à l´observation astronomique au sol (cliquer
ici pour avoir une image du télescope
spatial).
La plus importante est la capacité à
s´affranchir totalement et définitivement de la présence de
l´atmosphère. Rien n´est jamais aussi parfait que l´élimination de
la cause d´un ennui. Ici, on tire bénéfice de cette situation à
trois niveaux. Pas de turbulence, donc pouvoir de résolution égal au
pouvoir théorique. Pas d´atmosphère, donc pas de rayonnement
parasite en infrarouge. Et encore, pas d´atmosphère, donc pas
d´extinction atmosphérique (absorption d´une partie de la lumière
par les molécules des gaz composant l´atmosphère); la notion
d´observation au méridien n´a plus de sens ici. Une observation peut
durer aussi longtemps qu´il le faut. Deuxième avantage, le fait que d´un même endroit, on ait
accès à tout le ciel, à toute époque de l´année.
Le fait d´être en apesanteur permet également
de s´affranchir de nombreux ennuis secondaires dont nous n´avons pas
parlé, tels que les déformations des structures métalliques qui
limitent, elles aussi, les performances des très grands
instruments. Enfin, le fait d´être
dans un vide parfait a aussi de nombreux avantages vis-à-vis des
problèmes d´oxydation des composants de toute nature. Les
équipements ont une espérance de vie très grande.
Mais il y a aussi de graves
reproches. Le premier est, à coup
sûr, le coût d´un tel instrument. Nombreux sont ceux qui pensent que
ce sera le seul et unique télescope de ce type. Or on ne fait pas
d´astronomie avec un seul télescope. Le manque de souplesse d´utilisation. Ce télescope
fonctionne sur un programme précis établi à l´avance. Il est en
effet indispensable de minimiser au maximum les dépointages de
l´instrument. Dans l´espace, tout dépointage se fait au moyen de
rétrofusées qui consomment du gaz dont on comprendra facilement que
la quantité soit forcément limitée. Si l´on peut imaginer un
dépointage non programmé pour observer un phénomène non prévu, ce
mode de fonctionnement ne peut être qu´exceptionnel.
Pour les observations "à la limite" ou
nécessitant des décisions "sur le tas", rien ne remplace la présence
d´une personne. A de telles circonstances, le télescope spatial est
mal adapté. Enfin, ce ne sera
jamais un télescope à tout faire. Combien de travaux importants et
ne nécessitant pas de grands moyens d´observation seraient sacrifiés
sans les télescopes au sol.
Donc quels que soient les avantages réels et
irremplaçables de ce télescope, il ne peut être question
d´abandonner l´effort de développement aussi bien de nouveaux
équipements, que de nouvelles générations de collecteurs au sol. Les
Américains, eux-mêmes, l´ont bien compris et ne cessent d´imaginer
de nouveaux instruments pour les observatoires
terrestres.
Exemples de lunettes et de
télescopes.
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La lunette de Galilée (Florence, 1609) : le premier
instrument d´optique destiné à l´astronomie est dû à Galilée.
C´est une lunette de petite ouverture. |
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La lunette d´Hévélius (Dantzig, 1670) : avec les lunettes,
l´augmentation de la focale passait par l´allongement de
l´instrument et rendait les observations difficiles. |
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Le télescope à miroir de bronze de Lassell, 1860 :
on imagina, pour les premiers télescopes, utiliser un miroir
métallique. Les déformations du métal sous l´action de la
température n´ont pas permis d´obtenir des images correctes.
Aujourd'hui, on construit des télescopes à miroir en mercure
dont la forme est donnée par un mouvement de rotation du
système. |
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La lunette équatoriale de l´observatoire de Paris
construite par Arago (1855). Cette lunette de 38cm de
diamètre et de 7m de focale fut un instrument très performant
à l´époque. Il était destiné à l´observation visuelle. |
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L´équatorial coudé de l´observatoire de Paris (1889) : ce
type d´instrument est en fait une lunette pourvue d´un miroir
envoyant l´image dans la chambre d´observation. Ce type
d´instrument permet d´avoir des longues focales et de pointer
bas sur l´horizon. |
Equatorial coudé de l´observatoire de Lyon : cliquer
ici. |
D´autres coudés ont été construits : par exemple à Lyon et
à Nice. |
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L´équatorial photographique de la carte du ciel de
l´observatoire de Paris : cet instrument est une
lunette pourvue de deux objectifs, l´un visuel et l´autre
photographique. Son diamètre est de 33cm et sa focale de 3m33
(de façon à avoir une échelle de 1 minute de degré par
millimètre). Il fut construit à de très nombreux exemplaires
afin de constituer une "carte du ciel" sur plaques
photogarphiques. |
Grande lunette de Meudon : cliquer
ici;
Grande lunette de Nice : cliquer
ici;
Lunette de 26 pouces de Washington, cliquer
ici;
Lunette de 26 pouces de Pulkovo, cliquer
ici. |
La fin du XIXème siècle fut l´âge d´or des grands
réfracteurs utilisés principalement en observation visuelle.
L´incapacité technique d´augmenter les diamètres et les
longueurs entraîna le développement des télescopes. |
Lunette méridienne de Bordeaux : cliquer
ici. |
Signalons l´existence des lunettes méridiennes qui
observaient un astre lors de son passage au méridien :
automatisées, certaines fonctionnent encore régulièrement
aujourd'hui. |
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Le télescope de 2m 50 de diamètre du Mont Wilson est le
premier des grands télescopes modernes : construit en 1917
avec une monture équatoriale, il est maintenant surpassé par
des télescopes de plus de 8m de diamètre tous construits avec
une monture altazimutale. |
Télescope de 193cm de l´observatoire de
Haute-Provence, cliquer
ici.
Télescope de 80cm de l´observatoire de Haute-Provence,
cliquer
ici. |
Les télescopes d´un diamètre de un à deux mètres sont très
nombreux dans la plupart des pays. Grâce aux récepteurs CCD
dont la sensibilité est 100 fois plus grande que celle d´une
plaque photographique, ces télescopes sont encore aujourd'hui
très performants. |
Télescope de 5 mètres du Mont Palomar, cliquer
ici.
Télescope de 6 mètres de Zélenchuk, cliquer
ici.
Télescope de 3 mètres 60 CFH à Hawaï, cliquer
ici.
Very Large Telescope de 8 mètres de l´ESO, cliquer
ici. |
Des années 1940 aux années 1970, la course au gigantisme
s´arrêta à 6 mètres : il fallut attendre une vingtaine
d´années pour qu´apparaissent les miroirs minces dont la
surface est corrigée en permanence par des
vérins. | |